12 jours sur un bateau. Beaucoup se demandaient ce que j’allais bien pouvoir faire, me disaient que j’allais sûrement m’ennuyer. Moi même je me disais plutôt que j’allais avoir un peu de temps seule pour : lire, écrire, dessiner, penser? Que nenni! En réalité j’ai tout juste réussi à finir le bouquin que j’avais commencé en Espagne (il m’en restait alors encore 2 autres dans mon sac) et j’ai quand même réussi à lire le guide du routard du Brésil pour commencer à organiser mon périple mais je n’ai pas touché à celui du Pérou et de la Bolivie…
Nous étions 5 passagers sur le bâteau : 3 autres français, Olivier, Gérard et Philippe, et un allemand, Gerhard, dit Gary. Nos journées étaient rythmées par les repas: 7h30 – 12h – 18h (et oui, horaires d’epad, comme disaient Olivier et Gérard !).
De gauche à droite : Philippe, I, Olivier, Gerard et Gary
Avec entre chaque repas un passage au « Bridge » ou autrement dit la cabine de direction au dernier étage du bateau (10 étages !), où nous venions squatter, prendre des nouvelles du trajet, discuter avec les Seconds officiers, observer la vue (avec ou sans jumelles), poser tout un tas de questions sur le fonctionnement des différents ordinateurs, appareils de mesure, cartes,…
Au début nous y allions un peu timidement puis nous étions chez nous, venions à tout moment, et je me posais avec mes bouquins et mon journal de bord…
Nous avons également eu droit à un tour de visite des machines avec le chef ingénieur : impressionnant même si lui n’était pas très causant…
Et nous allions régulièrement nous ballader sur le »Deck » qui correspond au plus bas étage sur lequel il est possible de se rendre à l’extérieur, au dessus de la coque du bateau. Nous en faisions le tour, allions à l’arrière puis à l’avant du navire, ce qui nous permettait de rencontrer le reste de l’équipage, bien sympathique.
Pour les repas du soir, grâce à la demande d’Olivier, le capitaine avait accepté de nous faire servir une bouteille de vin au dîner. L’alcool étant strictement interdite pour l’équipage. Soit dit en passant un document était affiché dans la salle à manger: « pour tous les bateaux CMA: tolérance zéro pour la consommation de l’équipage à bord » ; « pour les navires français: se référer au règlement intérieur »!!! ^^
Autre activité importante et quotidienne pour moi,… du sport évidemment ! 🙂 Il y avait une salle muscu dans laquelle j’allais courir avec musique à fond (pas facile de courir sur le tapis quand le bateau tangue!), une table de tennis de table, mais nous n’y avons joué qu’une fois avec Olivier car elle s’est cassée à cause d’une forte houle une nuit, un gros sac de boxe avec des gants, un mini terrain de futsal: match le dimanche avec quelques personnes de l’équipage, et, à l’arrière du bateau, au niveau du deck, en extérieur, un panier de basket! Pour le coup il faut faire attention à la balle pour ne pas l’envoyer dans l’océan car il n’y a pas de protection à l’arrière…
Quelques informations maintenant sur le bateau, l’équipage, les transports maritimes.
Dimensions du bateau : 300x50m. Coque immergée sous l’eau : 9m (nous n’étions pas beaucoup chargés en conteneurs). Partie hors de l’eau: 57m. Possibilité de contenir 10000 conteneurs : 9 étages « dans » la coque et 9 étages empilés à l’extérieur. Capacité maximale de fuel: 6000tonnes. Consommation à vitesse maximale, 200T par jour (nous étions à 20noeuds ce qui équivalait à une consommation d’environ 130t/j) !
L’équipage : 30 personnes dont le capitaine appelé « Master » et son « adjoint », Roman: 2 ukrainiens. 3 « Seconds officiers », Josip, Ante et Sabino (Tous trois croates) qui se relaient nuits et jours sur le Bridge avec des gardes de 4h. Le Cadet, Stas, un stagiaire apprenti officier. Rudy, notre messman, Nelu, le chef cuisinier, Georgche, un des watchmans (de nuit et dans les ports ils doivent surveiller en permanence la mer, parfois en utilisant les jumelles et ce sont eux qui prennent la barre quand le pilotage est manuel, en suivant les directives du second officier ou du capitaine). En gros il y avait un groupe d’Ukrainiens qui dirigeaient et pas des plus enjoués… Les 3 croates plutôt cool qui faisaient juste ce qu’on leur demandait, 2 chinois et 2 indiens timides qui ne parlaient qu’entre eux et des Roumains bien sympathiques. Mais du coup c’était une ambiance un peu tendue entre les marins d’autant plus avec le Capitaine et Roman qui étaient vachement stricts avec l’équipage.
Passons au trajet en lui-même. Le bateau avait tourné pendant 2 jours au large de Valence avant d’y avoir une place et que je monte le 17/03. Après plusieurs informations contradictoires (ce sera le cas tout au long du trajet), nous finissons par décoller, enfin à partir en mer, le 18/03. Nous avons eu le temps de profiter du manège impressionnant des camions deflilants et des énormes grues chargeant les containers sur le cargo.
Nous devons passer le lendemain au large du port d’Algéciras (sans s’arrêter au port) pour faire le plein de fuel. Mais là aussi il faut faire la queue pour entrer dans la baie et se mettre au point d’ancrage… Nous restons 24h entre l’Espagne et le Maroc avant de passer le détroit de Gibraltar et de nous diriger directement vers l’Ocean! La compagnie a jugé (les marins et même le capitaine ne font que suivre leurs ordres) que cela faisait trop d’attente et qu’il valait mieux tracer pour rattraper le retard sur le schedule finalment! Heureusement nous avons assez de fuel pour aller jusqu’au Brésil…
Nous voilà donc partis pour de bon avec un vent ultra fort et une nuit de houle assez forte pour rouler un peu dans son lit… ^^ Mais cela deviendra vite le calme plat, une mère d’huile… Nous passons proche des îles Canaries où nous réussissons à récupérer du réseau, puis à côté des îles du Cap Vert avant de nager en pleine océan pendant plusieurs jours, sans terre à l’horizon. D’autant que pendant deux jours, en approchant de l’équateur, nous sommes entourés d’une brume épaisse.
Nous célébrons d’ailleurs ce passage de l’équateur en nous enfermant dans notre « recreation room » pour passagers, tous les 5, et en trinquant au champagne, apporté par Gérard. La bouteille, jetée à la mer par les gars avec un petit mot, sera retrouvée quelques jours plus tard par quelqu’un sur une côte brésilienne!
Nous sommes dans les temps pour arriver le 27/03 mars comme prévu mais le port de Salvador commence à nous dire qu’ils n’auront pas de place avant le 30! Commencent alors les négociations… Nous ralentissons puis jetons l’ancre à l’entrée le baie. L’arrivée sur Salvador est impressionnante avec d’un côté végétation et plages de sable blanc et de l’autre des dizaines et des dizaines de hautes tours qui se détachent dans le ciel.
Nous restons plantés là, à l’arrêt, sans savoir vraiment quand nous allons pouvoir accéder au port. Un des marins s’est mis à pêcher à l’arrière du bateau. La femme de Gérard, Nicole, est arrivée à Salvador. Le 29 au matin nous jouons au basket quand ce dernier nous apprend qu’un ouvrier lui a dit que nous redémarrons vers 17h… Mais attention c’est une information top secrète ! (Nous ne savons pas pourquoi, le capitaine ne tenait pas à ce que nous sachions à l’avance les manœuvres du bateau!!) Bref, nous on est plutôt content de le savoir parce qu’il nous faut préparer nos affaires…
Petit point d’entrée et de sortie des ports pour les cargos. Un petit bateau amène un pilote connaisseur des fonds marins du port, celui-ci s’agrippe à une échelle qui pend du bâteau et monte dans la coque par une petite issue avant de rejoindre la cabine de pilotage pour guider le bateau. Quand le navire s’approche de sa »place de parking », ce sont deux bateaux qui viennent s’accrocher, un devant et un derrière, pour aider le cargo à faire son créneau. C’est assez impressionnant.
Et un petit exemple de demi-tour grâce aux bateaux spécial-créneaux:
Nous ne touchons la terre brésilienne qu’après manger mais il nous faudra attendre encore une bonne heure pour qu’un agent de la compagnie se pointe, reparte faire tamponner tous les passeports aux autorités (une heure et demie supplémentaire) et que nous puissions enfin descendre, Olivier, Gérard et moi (car Gary et Philippe restent jusqu’à Buenos Aires), fouler le sol de Salvador do Bahia do todos Santos!